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C'est tell'ment bon un baiser.
C'est tell'ment bon un baiser.
23 mars 2008

Au gré des vagues ...

Au gré des vagues …

Je ne sais pas ce que sont les escarboucles. J’ai complètement oublié ce soir le sens du mot escarboucle, mais je le tourne et je le retourne dans ma tête comme un caillou incandescent. Les escarboucles, en tous cas, c’est quelque chose qui convient parfaitement à la femme que j’aime. Cette femme que j’aime, je ne la connais pas tout en la ressentant parfaitement. C’est embrouillé dans ma tête. Je m’y suis perdu à force de tourner et retourner cette escarboucle. Je vais essayer de ranger tout ça sans pour autant le remettre dans l’ordre. Je l’ai simplement croisée un soir d’été. Un soir d’hiver aurait été plus approprié j’imagine, mais je n’ai pas encore le pouvoir d’influer les saisons. Je dis soir, mais il faisait nuit. C’était une période troublée, mon rythme de vie n’était pas stable. Le sien non plus, à vrai dire.

Parfois, je me perds dans mes pensées. L’esprit envahit la raison. Je prends presque plaisir à ces incursions paranoïaques. Le fil s’estompe peu à peu jusqu’à devenir invisible, mais je le recouvre chaque fois. Il paraît que c’est un syndrome nuisible et singulier. Peu m’importe, je m’y suis accommodé.

Je ne sais pas si sa description est d’une quelconque utilité. Probablement pas, mais je ne pourrais m’en empêcher. Il faudrait lui trouver un prénom à cette femme que j’aime. Il n’aurait rien à voir avec escarboucle. D’ailleurs, je ne vois pas quel prénom pourrait se rapprocher de ce terme. On l’appellera Ninon, je trouve que ça lui correspond. Donc, cette Ninon que j’aime attire l’œil de chacun. Peut-être est-ce la raison du rapprochement. Je suis convaincu que l’escarboucle brille, même si je ne peux expliquer cette certitude.

Quoique, le ciel est noir d’ébène et je fais semblant de prendre les lampadaires pour des étoiles. Peut-être que cela joue dans ma perception actuelle des choses.

Elle flottait, au loin, bien plus gracieuse que ses semblables. Chacune occupait son coin de sable dans une sorte de transe indéfinissable. Le claquement lointain des vagues dictait leurs pas. Tous l’observaient et elle m’hypnotisait. Elle m’hypnotisait de fluidité, comme si le recoin qui lui était imparti avait quelque chose de magique. Ce devait d’ailleurs être le cas. Sinon, elle n’aurait pu me toucher. Non, je suis si froid de nature.

Mon sourire s’est tordu en grimace. Le doigt sur la plaie. Chut, ravale tes mots, ne dis rien. Je t’en prie, surtout pas ça. Après, ça fait mal, et je dois ramasser mes larmes. Alors, s’il te plait, ne dis rien.

Je ne sais plus comment cela est arrivé. Mais ce soir, tout est différent. Je renais, je revis. La mécanique se met doucement en place. Le poison prend ses aises, les habitudes s’ancrent dans les gestes, le corps assimile, ingurgite, régurgite. Savante leçon récitée sur le bout des doigts. Jusqu’au fond de la gorge. Je fume à la fenêtre ce soir en regardant les phares des voitures qui trouent l’obscurité au loin. Une bien jolie atmosphère. Je me laisse caresser par la fraicheur. Cet air empli de fraiches particules, cette brise saturée d’humidité. Je me laisse caresser par l’invisible en attendant un corps. Physique, cette fois. Afin d’accueillir un sens propre, le toucher. J’aimerais qu’on me touche, qu’elle me frôle, qu’elle viole ma peau d’une caresse douce mais appuyée.

Peut-être que les entendre faire l’amour dans la chambre mitoyenne me rend lunatique. Quand je ne pleure pas le réel, je m’invente le virtuel. Plaisante hallucination que ce souvenir. Un souvenir probablement inventé. Quel plaisir d’être en dehors du temps tandis qu’ailleurs les secondes s’égrènent ? Je m’égare, une nouvelle fois. Il commence à faire vraiment froid, maintenant. Divague en fermant la  fenêtre.

La caresse est venue. J’en suis certain, je la ressens. La caresse est venue et elle a posé ses lèvres sur ma bouche. Je ne sais plus où donner du cœur. Et si tout cela était réel, bel et bien présent puisque palpable. Je ne peux inventer un baiser, c’est impossible. La femme que j’aime existe, elle vient de me le prouver, maintenant il faut que je la retrouve. Si elle communique avec moi en se servant de l’air, peut-être que je dois me laisser porter. Il suffit de marcher sereinement, le dos droit, le regard fixe. Il suffit de se laisser aller au gré des rues et elle reviendra, assurément. L’escarboucle me revient en tête. Je ne peux m’empêcher de l’épeler, il ne faut pas que le son passe mes lèvres, ils me prendraient pour un fou. Et je ne suis pas fou, non, je ne suis plus fou, puisque le vide m’a embrassé.

Je n’entends plus le monde, ni même ma propre voix. Et pourtant, c’est la cacophonie là-dedans. Ce n’est même plus audible tellement mes pensées se rebellent les unes contres les autres. Je ne saisis plus le fil directeur de mon esprit, s’il existe encore. Voilà que les gens m’observent. Peut-être que je répète ce mot en boucle sans même m’en rendre compte. Je ne supporte pas leurs regards.

Je m’étais promis de prendre mon temps. Rien ne presse maintenant que je sais. Depuis le temps que j’attendais qu’elle se manifeste. Et si elle ne s’appelait pas Ninon, mais Lou ? Les prénoms se succèdent, les uns après les autres. Je ne sais plus. Lou me semble plus probable. Ninon n’était qu’un songe. A nouveau ce chaos intérieur. Je ne m’en sortirai donc jamais. Contraint de me laisser porter par des semblants d’instants perdus. On me vole mes souvenirs et je cours après eux afin de garder les pieds sur terre. Vu leurs regards, je dois être en train de perdre pied, justement. J’en suis conscient, une raison de se réjouir.

Sa présence est abstraite, je dois m’y résoudre. Ma propre présence semble douteuse. Sauf que je me sens vivre, je me vois dans la glace, je me touche, tout m’indique que j’existe. Elle aussi, je la sens vivre, mais je ne peux la toucher. Peut-être que tout se passe en moi, je l’aurais inventée de toute pièce. Je ne sais plus si je dois faire confiance à ma tête, alors je me cache sous ma peau.

Les rues se suivent, je continue mon chemin. Moi, je veux être libre et vivre au rythme des courants d’air. Et pourtant, je m’en vais me jeter vers l’inconnue, histoire qu’elle m’accapare. Il n’y a jamais rien eu de logique dans ma vie, et ça se répercute sur ce parcours. Je ne connais pas cette direction. Je ne suis pas certain d’en suivre une au sens propre. Tout ce dont je suis certain, c’est que je la rejoins. Elle, qui m’attend. Rien ne m’inquiète. Je me dirige vers l’ombre. Ces petites rues, sombres, vides, craintes. Leur présence a disparu, leurs regards avec. J’ai compris qu’il valait mieux me mettre à l’écart si je voulais parvenir à mon but.

J’ai souvent entendu parler du but. Pas celui-ci en particulier, le principe même. J’en étais venu à soutenir que ce n’était pas le but qui importait mais les moyens qu’on mettait en œuvre pour y arriver. Le chemin nous permet d’avancer, jusqu’au terme. Une fois arrivé, on ne sait pas savourer. On se contente d’une fierté d’y être parvenu. Aujourd’hui, je ne soutiens plus rien. Je veux savoir aimer.

Je la sens proche, maintenant. Une nouvelle cigarette pour m’occuper les doigts. Les mains moites, je vais la chercher, la dernière d’un paquet abîmé. L’encart a disparu, leurs mises en garde n’ont plus lieu d’être. Mon espérance de vie diminue, et la simple idée qu’il n’arrêtera jamais de fondre, me plait. Etrange satisfaction que de se savoir mourir. Peut-être seulement qu’il faudra le temps. Ça abime les yeux de revenir à la réalité. C’est comme sortir d’un tunnel et se brûler les pupilles devant une lumière trop vive. Les yeux agressés se plissent et cherchent une issue. Violence de l’éclat. J’entends les vagues, le même son que la première fois. Pas assez distinct, encore. Je viens de comprendre ma destination.

Construisez-moi une cachette où personne ne saurait me retrouver où je pourrais vivre. Non pas à l’abri de rien mais à l’abri de tout. A part d’elle peut-être. Elle saurait me nourrir.

C’est proche maintenant. On arrive au bout du chemin et son prénom me revient. Roxane. C’est le sien, oui. Ni Ninon, ni Lou, Roxane. Telle une douce musique. Une bien jolie rengaine, même. Voilà qu’il se met à pleuvoir, une délicate bruine effleure mon visage. Souviens-toi les étoiles. L’escarboucle, c’est elle. Tout me revient à présent. Elle existe, tout autant que moi. C’est un peu moi, pour ainsi dire. La magie d’une rencontre.

Elle reprend toute la place, c’est fou ce que je ne maîtrise pas mes pensées. Peut-être que je le cherche un peu, aussi. Elle me ronge, à l’intérieur, et je la laisse faire.

C’est le dernier virage. J’ai peur qu’elle ne soit plus sur sa parcelle de sable. J’ai peur qu’elle ne m’ait pas attendu. J’ai peur, oui j’ai peur. Et pourtant je fonce. La peur paralyse certains, moi je la surpasse. Autant foncer dans le mur. Plus l’on va vite, moins on se fait mal. C’est comme ça. Il ne me reste plus qu’à descendre cette rue. Un des plus longues de la ville. Et je souris de l’intérieur. Je ressens cette profonde chaleur, comme si plus rien ne pouvait m’atteindre.

Il suffirait de venir écouter les battements de mon cœur. Elle entendrait comme ça bat. Elle ne se contentera pas de supposer qu’il y a un cœur là-dedans. Il est présent, lui, bel et bien présent et il faut faire avec.

La rue arrive à son terme. Je vois l’horizon. Ce n’est plus un mirage. Je n’ai jamais cru aux visions. Ce serait un fantasme que de croire en l’inconnu. Heureusement que la femme que j’aime ne peut s’envoler. Je passe la chercher pour fuir. Peu importe l’endroit. On se laissera porter au gré des routes. On visitera les quais pour en découvrir de nouveaux. Le bonheur de vivre.

Allez viens, suis-moi. Tu connaîtras la folie, à mes côtés. Qui ne rêve pas de vivre la déraison ?

Par bonheur, la plage était maintenant toute proche et on voyait la mer à quelques pas de là.

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